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Les dominatrices des maîtres
Une profonde et puissante voix d'alto, comme on les entend parfois au théâtre, écarte soudain pour nous le rideau devant des possibilités en quoi nous ne croyons pas généralement : soudain nous sommes convaincus qu'il peut exister quelque part dans le monde des femmes aux âmes sublimes, héroïques et royales, aptes et prêtes aux ripostes grandioses, aux décisions et aux sacrifices, capables de dominer les hommes et prêtes à le faire, parce que ce qu'il y a de meilleur dans l'homme semble devenu en elles, par-delà la différence des sexes, un idéal vivant. Il est vrai que, d'après les intentions du théâtre, ces voix ne doivent précisément pas donner l'idée de cette catégorie de femmes : généralement elles doivent représenter l'amant masculin idéal, par exemple un Roméo : mais, à juger d'après les expériences que j'ai faites, le théâtre et le musicien qui attendent de pareilles voix pareils effets se trompent régulièrement. On ne croit pas à un tel amant : ces voix d'alto contiennent toujours une nuance de quelque chose de maternel et de domestique, et d'autant plus, justement, qu'il y a de l'amour dans leur timbre.
Extrait de "Le gai savoir"Friedrich Nietzsche (1844 - 1900)
Traduction de «Die Fröhliche Wissenshaft (La Gaya Scienza)»
(édition 1887) par Henri Albert (1869 - 1921)
Édition électronique (ePub) v.: 1,0 : Les Échos du Maquis, 2011.
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